jeudi 11 février 2010

Sucre la Blanche

Mercredi 10 février au matin, nous arrivons à Sucre, surnommée la ville blanche. En se promenant dans les rues du centre-ville, on comprend vite pourquoi. Tout ici est d'une blancheur éclatante: les églises, les maisons, les arcades...


Nous découvrons également émerveillés la plaza 25 de mayo, véritable jardin où se dressent de gigantesques palmiers. Au centre de la place trône une statue du général Sucre, un des héros de la guerre d'indépendance de l'Amérique du Sud et vainqueur de la bataille d'Ayacucho qui mit un terme définitif à l'hégémonie de l'Espagne sur le continent, en 1824. Il laissa même en 1839 son nom à la ville, qui s'appelait auparavant La Plata, en raison des mines d'argent situées dans la région.








Nous admirons également la tour de la cathédrale ornée de balustrades et de statues, et l'architecture de l'université de droit, la deuxième plus ancienne d'Amérique Latine, située non loin de là.
La tour de la cathédrale

Les arcades et la cour centrale de l'université de droit

Nos déambulations nous amènent également au parc Bolivar, l'autre grand héros de l'indépendance.


Nous tombons amusés sur une réplique miniature de notre Tour Eiffel nationale: moins haut que la vraie, mais la vue du sommet vaut tout de même le détour.





Fondée en 1538 par les Espagnols, Sucre est la deuxième plus ancienne ville d'Amérique du Sud après Lima. Après l'indépendance du pays, elle en fut la capitale jusqu'au transfert du Président et du Parlement à La Paz en 1889 suite à la guerre fédéraliste, est une ville riche en histoire: de nombreux musées et monuments permettent de découvrir le patrimoine de ce pays fascinant qu'est la Bolivie.

Lors des deux jours passés ici, nous découvrirons notamment:

- los museos universitarios: l'ensemble se décompose en trois musées.

La cour intérieure du musée

Le premier est un musée d'archéologie et d'ethnologie, où, en plus des traditionnelles poteries, on découvre d'intéressantes momies et de beaux costumes et masques traditionnels.







Le second est un musée d'art colonial: beaucoup de tableaux religieux, de beaux meubles en bois ou en argent, de retables...




Le troisième est un petit musée d'art moderne, qui présente les peintures d'artistes du 20ème siècle, pour la plupart bolivien.




- le musée d'art indigène. Il rend hommage à un art millénaire en Bolivie: celui du textile. Le musée présente les textiles réalisés par les différentes ethnies des régions de Sucre et de Potosi, au premier rang desquelles les Tarabucos et les Jalq'as.





Le musée présente l'évolution des techniques des différentes ethnies au cours du siècle dernier, et nous fait découvrir les spécificités de chacune d'entre elles. Les Tarabucos représentent des motifs dotés d'une parfaite symétrie, très géométriques, le textile étant divisé en bande de couleurs qui possèdent toutes un thème propre.






Les textiles Tarabucos d'hier et d'aujourd'hui

Les Jalq'as quant à eux préfèrent des motifs figuratifs, ne représentant que très peu de formes géométriques. Leurs textiles sont remplis d'animaux étranges, répartis de façon chaotique, sans aucune symétrie. Les textiles représentent pour la plupart le monde de Supay, dieu des profondeurs. Les motifs couvrent la quasi totalité du textile, rendant le tissage extrêmement délicat.


Les textiles Jalq'as d'hier et d'aujourd'hui

Supay, le dieu des profondeurs

L'art textile bolivien, en pleine décadence au début des années 80, retrouve des couleurs grâce au programme de renaissance de l'art indigène lancé en 1986. A noter que devant le succès rencontré par les textiles, les hommes s'y sont mis aussi, créant leur propre style afin de se différencier de leurs homologues féminins.
Textile tissé de la main de Monsieur...

Outre l'art textile, le musée présente également l'art de la danse et de la musique traditionnelle. On découvre les instruments de musique utilisés lors des fêtes et cérémonies, et de superbes costumes. Ici les hommes sont chargés de fabriquer et de jouer des instruments, alors que les femmes chantent. Il arrive que les hommes utilisent également leur voix, mais la pureté de la voix féminine représente un idéal. Messieurs, si un Bolivien vous dit que vous chantez comme une fille, c'est un compliment...






Enfin, les dernières salles du musée sont consacrées à une tombe de la culture Tiwanaku découverts par hasard par deux jeunes chasseurs: des armes, des crânes (certains possédant encore leur tresse, d'autres déformés afin de marquer l'appartenance à une classe sociale supérieure), des tuniques, les bonnets à 4 pointes caractéristiques de la culture Tiwanaku...

Classe la peau de bete... je veux la meme...

- le couvent de la Recoleta, situé près du mirador du même nom, où la vue sur Sucre est splendide.







Fondé en 1600, ce couvent franciscain abrite plusieurs cloîtres aux jardins bourrés de charme, une jolie église, et un cèdre vieux de 1500 ans, classé monument national: il faut 8 peronnes pour en faire le tour: tout seul ce n'est pas gagné.














- la casa de la libertad, qui retrace l'histoire de la Bolivie, depuis la période coloniale jusqu'à l'élection d'Evo Morales, se concentrant en particulier sur la guerre d'indépendance. En voici quelques éléments...


Les arcades et la cour de la casa de la libertad

Le 25 mai 1809, éclate en Bolivie (alors appelé Haut-Pérou), à Sucre, la première révolution contre l'Espagne. Elle est le fait des avocats de la ville et sera réprimée sans pitié. Ce sont alors des guerilleros indigènes qui reprennent le flambeau. Une des plus célèbres d'entre eux est Juana Azurduy, sorte de Jeanne d'Arc locale. Elle sacrifia tout sur l'autel de la lutte pour l'indépendance: son mari capturé et exécuté, ses enfants morts de maladie... mais n'abandonnan jamais le combat. Lorsqu'elle dut fuir la Bolivie, elle partit en Argentine, où elle participa à la lutte de l'indépendance du pays. Elle devint notamment lieutenant colonel de l'armée argentine: en 1816, pour une femme, cela impose le respect.

Après la fin de la guerre d'indépendance, c'est dans le hall de la casa de la libertad que fut signée la déclaration d'indépendance de la Bolivie, en 1825, sous la direction de Sucre.

Jose Antonio de Sucre, le venezuelien qui libéra le Pérou et la Bolivie. A noter que son nom est d'origine belge francophone...

On découvre aussi le premier drapeau argentin, qui est aussi le premier drapeau sud américain, créé par le général Manuel Belgrano, l'équivalent argentin de Sucre et Bolivar. Blanc, bleu ciel et blanc, il diffère donc du drapeau argentin actuel.





Si l'indépendance marque la fin de la domination espagnole, elle ne profitera pas à l'ensemble des Boliviens, loin de là. Le pouvoir passe des mains des Espagnols à celui d'une classe supérieure blanche, qui continuera à mépriser et à exploiter sans scrupules les indigènes. Il faudra encore attendre plusieurs siècles pour que ceux-ci commencent enfin à avoir leur part du gâteau.

Dans la dernière salle de la casa de la Libertad, on découvre les portraits des 65 présidents que connut le pays, bon nombre d'entre eux étant des générals arrivés au pouvoir grâce à des coups d'état. Le plus court mandat fut celui du général Pedro Blanco Soto, deuxième président constitutionnel élu après Sucre, assassiné après... 4 jours au pouvoir.

Président de la Bolivie semble être un métier dangereux, puisque 13 d'entre eux furent assassinés. Le mandat le plus long est celui du successeur du genéral Blanco Soto, Andres de Santa Cruz Calahumana, qui parvint à se maintenir 10 ans au pouvoir, de 1829 à 1839.



La corruption et la mal gouvernance étaient souvent de mises, et elles coûtèrent cher à la Bolivie. Alors que le pays possédait une superficie de 2 300 000 km² à sa naissance, il n'en compte plus aujourd'hui que 1 100 000 km²: plus de la moitié perdue dans des traités absurdes et des conflits armés contre le Chili, le Paraguay ou le Brésil.

Les Boliviens ne se sont d'ailleurs toujours pas remis de la perte de leur accès à la mer, suite à la guerre les ayant opposé au Chili en 1879-1880.

Enfin, nous apprenons grâce à notre guide la signification du drapeau bolivien: le rouge pour le sang de ceux morts pour l'indépendance du pays, le jaune pour les richesses minérales, et le vert pour les richesses naturelles et la végétation.


Bref, une visite extrêmement riche et intéressante...

C'est aussi a Sucre que se defirent definitivement les tresses adorees de Guillaume. Quand on lache les cheveux, apres plusieurs jours de captivité, le résultat est forcément un peu effrayant...





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