Ushuaia: un nom qui nous faisait rêver depuis de longues années, un lieu mythique qu'il nous tardait de découvrir.

Ushuaia est la ville la plus australe de l'Argentine, une image de ville du bout du monde exploitée à ne plus savoir qu'en faire pour attirer les touristes. Tout ici est du bout du monde: les musées, les phares, le port... mais le concept continue cependant à faire rêver les nombreux touristes qui arrivent chaque année à Ushuaia. Il faut dire que la ville est superbe, avec sa baie entourée de cimes enneigées. Lorsque le soleil se couche, le ciel s'embrase dans un incroyable mélange de couleurs.




Avec plus de 60 000 habitants, Ushuaia est la plus grande ville de Terre de Feu, cette grande île située à l'extrême sud de l'Argentine. La Terre de Feu fut découverte par Magellan en 1520, lors de l'héroique traversée du détroit qui porte aujourd'hui son nom, et qui l'amena des eaux de l'Atlantique à celles du Pacifique.
Du fait des rudesses du climat, ce n'est qu'en 1884 que la région sera finalement colonisée par les Argentins. Durant les mois d'été (janvier, février) et le début de l'automne, le climat reste relativement clément, sauf lorsque se lève le vent du nord qui vous rappelle à quel point vous êtes proches des étendues glacées du grand Sud. En hiver, le soleil se lève à 9h30 pour se coucher vers 16h30, et on a du mal à s'imaginer jusqu'où descendent les températures.
Du fait de cette rudesse du climat, les Argentins eurent d'ailleurs l'idée d'installer en Terre de Feu une colonie pénitentiaire, utilisant les prisonniers comme premiers colons, à l'image de ce qu'avait fait l'Angleterre en Australie.
En 1884, une expédition de 10 bagnards, accompagnés de leurs gardiens, fait voile vers la Terre de Feu. Le 12 octobre, ils fondent la ville d'Ushuaia, premiers hommes à s'installer sur cette terre inhospitalière.
Les prisonniers continuent ensuite à affluer. En plus de la construction des premiers bâtiments de la ville, ils commencent celle du bagne en 1902. Cette dernière s'achèvera finalement après près de 20 ans de dur labeur, en 1920.
Le musée del presidio permet de découvrir l'histoire de ce bagne et de ses occupants jusqu'à sa fermeture le 21 mars 1947.
Il accueillit les prisonniers de droit commun les plus dangereux du pays: el petison orejudo, un tueur en série arrêté à l'âge de 16 ans, Simon Radowitsky, jeune anarchiste russe responsable de l'assassinat de Falcon, chef de la police de Buenos Aires...


Plus tard les rejoignirent des prisonniers politiques, logés à une enseigne un peu meilleure: les militaires au pouvoir leur versaient une petite pension pour que des familles locales puissent les héberger.

Le bagne possédait 380 cellules individuelles, réparties dans 5 pavillons qui se rejoignaient dans une rotonde utilisée comme lieu de réunion. Malgré l'existence d'un poêle au centre de chaque pavillon, il faisait très froid dans les cellules, surtout durant les longues nuits d'hiver.

Le sol de pierre et l'épaisseur des murs rendaient presque impossible toute tentative d'évasion. Et les rares qui réussirent à s'échapper pour passer la frontière chilienne ne tenaient guère longtemps face à la dureté du climat: contraint à faire du feu, ils étaient vite repérés par la police, ou bien ils finissaient par revenir d'eux même au bagne, sachant que dehors les attendait une mort certaine. Le bagne ne disposait d'ailleurs pas de murs extérieurs, l'impitoyable Terre de Feu était largement suffisante pour dissuader l'essentiel des prisonniers de tenter de s'échapper.


Un des seuls prisonniers à avoir réussi à s'échapper fut Sinon Radowitsky, qui bénéficia d'une aide extérieure pour traverser le canal de Beagle et passer au Chili. Mais il sera rattrapé après seulement 21 jours de cavale par la police chilienne, qui le ramènera au bagne d'Ushuaia.
Outre l'histoire du pénintencier, le musée du presidio contient également une section maritime, dédiée aux grands explorateurs venus découvrir la région (comme celle du docteur Charcot en Antartique en 1919), et aux nombreux naufrages qui s'y produisirent au cours des siècles.

Le musée comporte également une section dédiée à la faune de la Terre de Feu et de l'Antartique, sponsorisée par la fondation Total, qui extrait dans la région 25% du gaz argentin (même au bout du monde, impossible d'échapper au pouvoir de la championne des multinationales françaises).

Enfin, on découvre à l'extérieur du musée une réplique du phare de la fin du monde, qui inspira à Jules Verne le roman du même nom. Installé sur la isla de los Estados, dans une zone de navigation particulièrement dangereuse, il fut assez vite abandonné car ses lumières ne se voyaient pas d'assez loin pour éviter les naufrages. Du phare original, il ne reste plus aujourd'hui que quelques planches de bois vermoulues. Et donc trois répliques: celle du musée du Presidio, une sur l'île des Etats à l'emplacement d'origine du phare et une en France en hommage à Jules Verne.

Ushuaia n'est pas en réalité la ville la plus australe du monde. Dans la partie chilienne de la Terre de Feu, quelques dizaines de kilomètres plus au sud, on trouve en effet le village de Puerto Williams, qui compte 2500 habitants, et encore plus au sud, le hameau de Puerto Torro, avec une cinquantaine de personnes y vivant tout au long de l'année. Maus qu'importe, Ushuaia reste dans le coeur et la tête des touristes la ville du bout du monde.
Ushuaia est également la meilleure porte d'entrée à l'Antartique. Des cinq ports qui permettent d'accéder au sixième continent, Ushuaia est le plus proche, avec "seulement" mille kilomètres et deux jours de bateau. Une croisière vers l'Antartique est loin d'être donnée, mais l'endroit fait rêver, et il est fort probable que nous revenions un jour à Ushuaia pour découvrir le fabuleux décor de la marche de l'empereur.
Connaître la fin du monde n'est cependant pas la seule raison pour laquelle de si nombreux touristes se déplacent jusqu'ici. Ushuaia et sa région comporent en effet un certain nombre de merveilles, que nous découvrirons lors de la semaine passée ici, durant le week end ou après le travail à l'école Jules Verne.
- Le parc national de la Terre de Feu, un paradis pour les randonneurs avec ses sentiers longeant la côte ou traversant les montagnes et d'incroyables forêts, mises à rude épreuve par la dureté du climat.
















Une castoreraie. Les castors, introduits par les hommes pour vendre leur fourrure, se sont multipliés devant l'absence de prédateurs, et ont fait beaucoup de mal aux forêts de Terre de Feu.

- le canal de Beagle, long de 180 km, qui sépart l'Argentine du Chili.

Il est possible d'y naviguer, pour aller admirer l'île aux oiseaux recouverte de cormorans, l'île aux loups de mer où se reposent les mâles et leur harem, ou un superbe phare, fièrement dressé sur son îlot de pierre. Il y a ici une lumière exceptionnelle, qui rend l'excursion en bateau inoubliable















- le glacier martial, que l'on atteint en une heure et demi de marche depuis le télésiège local (oui il est aussi possible de skier à Ushuaia, bon il n'y a qu'une seule piste mais c'est déjà ça).


Couvert d'un éclatant manteau de neige, le glacier est impressionant, et nous resterons longtemps à ses pieds, fascinés par l'incroyable spectacle qu'il nous offre.





Depuis le glacier, la vue embrase toute la baie d'Ushuaia, et le grand soleil régnant ce jour là nous permet de profiter de toute la beauté du panorama.

Après la ville du bout du monde, il est temps de partir pour le Chili, le quatrième et dernier pays de notre voyage, dont la fin approche désormais à grands pas.
Mais nous reviendrons ici, c'est une certitude.